De l’intime à l’obscène
Pendant longtemps avoir une vie privée a été le luxe des classes privilégiées, les pauvres vivant dans la promiscuité.
Ce qui menace aujourd’hui l’intime, ce que Montaigne appelait notre arrière-boutique, c’est plus la transparence que la promiscuité. Nombre de gens se racontent, se photographient, se filment pour être lus et vus sur les raisons sociaux. Dans le royaume de Facebook (Fessebook ou Fècebook hélas trop souvent) c’est la course au nombre d’amis ou à la mention « j’aime ». Perdre des amis est un drame. Respecter l’orthographe est de plus devenu mission impossible pour un nombre grandissant d’aficionados de ce mode de communication.
Dans notre société où tout est transformé en marchandise, les seules choses que les gens croient pouvoir vendre ou donner d’intéressant, et par où ils croient pouvoir exister, ce sont leurs apparences et leur vécus.
Le mot en vogue est visibilité. Notre société est devenue une société de spectacle, ce qui n’est pas visible ne compte pas ou n’a aucun intérêt. Le dévoilement de l’intime pour le spectacle s’appelle l’obscène.
Cette obscénité se retrouve en politique et est qualifiée par Régis Debray « d’obscénité démocratique ». La recherche de visibilité, le souci constant de la transparence a comme effet pervers de « transformer des acteurs sans scénario en régisseur d’eux-mêmes, courant après la photo, le bon écho ».
En politique il devrait, selon Régis Debray, y avoir « une grandeur plébéienne qui consiste à séparer le petit que l’on est du grand que l’on représente ».
Mais peut-être que :
- Nous ne tolérons plus d’être représentés par des hommes et des femmes d’exception, qui pourraient nous hisser un peu trop haut.
- Nous exigeons des sosies à notre taille et à notre ressemblance.